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L’information guide les marchés financiers mais qu’est-ce qu’un délit d’initié ?

par Naqi Hamza

En bourse, deux choses s’échangent principalement : l’argent et l’information. Cette dernière dicte les tendances des marchés financiers et explique pourquoi les traders ont les yeux rivés toute la journée sur les chaînes d’informations.

Cependant, toutes les informations n’ont pas la même valeur et l’utilisation de certaines d’entre elles peut coûter cher à son détenteur. C’est le cas lors d’un délit d’initié.

👉 Qu’est-ce qu’un délit d’initié ?

On parle de délit d’initié lorsqu’une personne a en sa possession une information sur une entreprise que d’autres n’ont pas et qui, par l’utilisation de celle-ci, lui confère un avantage sur les marchés financiers.

Le délit d’initié est considéré avant tout comme un abus de marché, car l’exploitation de l’information privilégiée bouleverse les règles du jeu. Les autres investisseurs n’ayant pas encore connaissance de la nouvelle avant sa publication, ils ne peuvent anticiper les cours de bourse.

👉 Quelles informations peuvent faire l’objet d’un délit d’initié ?

Soyons bien clairs, détenir un « scoop » n’est pas interdit. D’ailleurs, à l’ère du numérique, on peut trouver toutes sortes de données financières sur internet. Et même si les traders professionnels donnent l’impression d’avoir accès à des informations avant tout le monde, celles-ci sont toujours publiques et sont mises à disposition de tous (du moins pour ceux qui savent la chercher).

Mais comment savoir si l’information reçue peut être utilisée ou non ? C’est la complexité de la chose. L’analyse fondamentale est un exercice long et considérable qui impose de connaître la société dans les moindres détails avant de décider d’y investir. Il est évident que les comptes seront épluchés et le management surveillé. Néanmoins, cela reste des informations exploitables.

D’autres par contre n’hésiteront pas à se rapprocher de l’entreprise, quitte à se rendre sur place pour juger de sa capacité de production. Certains iront jusqu’à côtoyer des employés pour capter quelques bruits de couloir. Pourtant, plus vous serez proche du centre décisionnel d’une société, plus vous serez en possession d’informations sensibles, et moins vous aurez l’occasion de les exploiter.

En Belgique, c’est le rôle de l’Autorité des services et marchés financiers (la FSMA) de vérifier si une transaction financière a été réalisée sous un délit d’initié ou non. Lorsque cela est prouvé, l’auteur des faits peut encourir une peine d’emprisonnement allant de trois mois à un an ainsi qu’une amende de 50 € à 10 000 € (à cela s’ajoutent les amendes infligées par la FSMA qui peuvent atteindre les 2 millions d’euros).

👉 Qui sont les personnes concernées par un délit d’initié ?

En réalité, tout le monde peut commettre ce délit, même s’il existe deux catégories de personnes dites initiées. La première reprend les dirigeants d’entreprise, les comptables ou les avocats. La seconde englobe toutes les personnes qui côtoient les initiés primaires, comme un époux ou une épouse, un ami(e), un(e) journaliste, etc.

👉 Un exemple ?

Imaginons que votre meilleur ami soit le directeur d’une entreprise cotée en bourse et très appréciée des acheteurs. Lors d’une discussion privée avec lui, il vous fait part de ses inquiétudes concernant les derniers résultats financiers. D’après lui, l’entreprise a eu une année très difficile et ne pourra pas honorer ses engagements vis-à-vis de ses créanciers. Les résultats, quant à eux, seront publiés dans une semaine. Dans ce cas, vendre les actions que vous possédez juste avant leur chute est considéré comme un délit d’initié. Vous ne pourrez pas exploiter cette information avant qu’elle ne soit rendue publique.

Un exemple concret dans notre pays est la vente d’actions par l’ex-CEO de Proximus Dominique Leroy (aujourd’hui chez Deutsche Bank) quelques mois avant son départ. Il lui est reproché d’avoir vendu ses stock-options alors même qu’elle était en discussion avec KPN pour devenir la nouvelle CEO.

À l’étranger, c’est l’ancien trader américain Mathew Martoma qui a réalisé l’un des délits d’initié les plus lucratifs de l’histoire avec 276 M$ de gain. Martoma avait revendu les actions d’entreprises pharmaceutiques qu’il détenait suite aux confidences reçues par deux médecins concernant des essais cliniques ratés.

Vous l’aurez compris, bien que les stratégies d’investissement soient basées principalement sur des mathématiques, des probabilités ou même de l’intelligence artificielle, les informations détenues par les courtiers peuvent faire toute la différence.

Pour réaliser un « pari gagnant », chaque investisseur est à la recherche d’une nouvelle qui le réconfortera dans ses choix. Le besoin d’être au bon endroit au bon moment, couplé à la force des réseaux sociaux, peut entraîner certains à tomber dans le piège des fake news qui n’ont pour but que de manipuler les marchés… et enrichir ceux qui les propagent.

Par Tim KAZKONDU

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