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INTERVIEW – Sascha Epp, Investment Manager, répond à nos questions

par Timur Kazkondu

Cette semaine, nous sommes allés à la rencontre d’un Investment Manager de la banque luxembourgeoise Raiffeisen afin de lui poser quelques questions. 

De la construction d’un portefeuille d’investissement à sa vision sur le futur des cryptomonnaies, ce financier nous explique sa réflexion concernant plusieurs thématiques au travers de son expérience. 

  1. Bonjour, Sascha, pouvez-vous nous présenter votre profession d’Investment Manager et nous parler de votre expérience dans ce métier ?

Tout d’abord, il faut savoir que j’ai obtenu un double diplôme LSM-ICHEC en Financial Management et c’est via un stage au sein la banque Raiffeisen à Luxembourg que j’ai pu obtenir ma première expérience dans le monde de la banque et de la finance. 

Aujourd’hui, je travaille dans cette même banque en tant qu’Investment Manager. Je collabore avec 3 personnes et le rôle principal de notre Squad est de sélectionner et de suivre des produits d’investissement (fonds, ETFs, obligations ou encore des produits structurés) pour les conseillers/gestionnaires clients ainsi que de rester au courant de l’actualité financière et boursière. Nous sommes aussi en contact avec nos partenaires et les fonds d’investissement qui figurent sur nos listes de sélection. 

Nous ne nous occupons pas de portefeuilles individuels et n’avons pas de contacts directs avec les clients.

  1. Si vous deviez conseiller un investisseur débutant, quelles seraient les principales étapes/conseils à suivre lors de la création d’un portefeuille d’investissement ?

Un principe primordial lorsque nous nous lançons dans l’investissement est de s’informer et suivre l’actualité financière, car, en règle générale, la plupart d’entre nous ne possèdent pas spécialement de connaissances en matière économique et financière, ce que permettent aujourd’hui plusieurs médias dont Parlons Finance.

Le seul fait de lire un livre à ce sujet, par exemple sur les bases et concepts clés, nous fournit déjà de bonnes bases pour pouvoir construire son portefeuille.

Ensuite, il est important de se poser la question « quel est mon objectif et mon horizon d’investissement ? » Est-ce d’avoir un rendement pour combler l’inflation, est-ce pour faire le plus d’argent possible ou est-ce pour ma retraite ?

Évidemment, je conseillerais à n’importe quel jeune débutant d’avoir une philosophie d’investissement à long terme et d’avoir un portefeuille suffisamment diversifié puisqu’il permet de réduire majoritairement le risque spécifique aux entreprises que l’on appelle le risque « idiosyncrasique ». Je recommanderais aussi d’adapter son exposition en fonction de ses besoins et de l’horizon, qui peuvent varier au fil du temps.

Il est également important de faire des investissements dans un intervalle régulier tel que pour un plan d’épargne afin de profiter d’un effet de lissage des coûts et d’éviter d’investir au mauvais moment (éviter le « Market timing »).

  1. Comme vous l’avez mentionné, on dit souvent qu’il ne faut pas « mettre tous ses œufs dans le même panier » quand on parle d’un portefeuille d’investissement. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi est-ce une expression clé dans le monde de l’investissement ? 

Effectivement, c’est une des premières expressions qu’on entend dans le monde de l’investissement.

Il existe néanmoins quelques réflexions contraires concernant la diversification dans un portefeuille. Pourtant, il s’agit d’une logique mathématique liée aux corrélations, car moins les titres/actifs sont corrélés, plus c’est avantageux pour la diversification.

Il existe deux risques majeurs que sont le risque systématique (ou risque de marché) et le risque spécifique (ou idiosyncrasique).

Le risque systématique est principalement lié à un événement particulier qui entraîne une réaction en chaîne sur l’ensemble du système pouvant créer une crise générale. Le risque non systématique ou risque spécifique est propre à une entreprise.

Si dans son portefeuille on possède par exemple 15 titres différents, on réduit le risque lié aux entreprises (non — systématique) quasi complètement sans devoir renoncer à du rendement, c’est-à-dire, qu’on peut réduire le risque total d’un portefeuille tout en gardant le même rendement, car le risque non systématique n’est en principe pas rémunéré.

Pour rappel, il y existe différents types de diversifications :

  • Diversification liée aux assets class (actions, obligations, commodités, etc.) 
  • Diversification sectorielle (secteur technologique, énergétique, etc.)
  • Diversification géographique (EU, USA, etc.) 
  • Diversification liée à la taille d’entreprise (Small caps, mid caps, large caps)
  1. Les obligations sont souvent considérées comme des placements sans risque et comme étant une couche défensive dans un portefeuille. Pourriez-vous nous dire comment voyez-vous ces titres en tant qu’Investment Manager ?

Il faut savoir qu’il n’existe pas de placements sans risque, mais il est vrai qu’actuellement les obligations sont souvent utilisées par des clients qui ont un profil défensif et leur permettent justement de rendre leurs portefeuilles moins risqués tout en espérant réaliser un minimum de rendement (même s’il est généralement plus faible qu’une action). 

Toutefois, les obligations ont aussi des risques (risque de taux, risque de défaut,…) et donc il existe aussi des obligations plus risquées que d’autres (par exemple les obligations de marché émergents n’ont pas le même risque que les obligations d’Europe).

  1. Dans l’actualité, nous avons pu constater que des investisseurs se bousculaient pour acquérir les obligations de l’État belge et on parle même d’une offre de 50 milliards d’euros. Toutefois, ces titres sont à rendement négatif. Comment expliquer ce comportement ? 

Ici, il ne s’agit pas seulement d’avoir une couche défensive pour ces investisseurs, car, dans ce cas précis, les investisseurs représentent souvent de grosses entités tels que des fonds de pension, des banques ou des institutions financières.

Leurs restrictions les obligent souvent à acheter des obligations (par exemple, quota minimal d’obligations de bonne qualité ; on parle alors d’emprunts d’État où « Government bonds »). De plus, même si le taux est négatif, les obligations de l’État belge ont et auront souvent un taux plus intéressant que le taux de rémunération des dépôts ce qui explique la récente ruée vers les obligations de l’État belge.

  1. Restons dans l’actualité et parlons d’un autre sujet qui a fait beaucoup de bruit récemment : la cryptomonnaie. Pourquoi cet engouement et que pensez-vous du futur de la cryptomonnaie ?

Ici, je vais exposer mon avis personnel et non celui de la banque. 

Pour comprendre la cryptomonnaie, il faut se poser la question « Pourquoi est-ce qu’on achète cette monnaie ? », car, finalement, elle n’a pas vraiment de valeur intrinsèque et il n’y a pas de méthode pour la valoriser précisément (même si des personnes parlent du coût de production comme valorisation, mais cela me semble plutôt bizarre), comme c’est le cas aussi pour les monnaies fiat. Je pense que la valeur de cette monnaie est seulement guidée par l’offre et la demande.

Concernant son futur, je pense que le fait de la considérer comme une devise traditionnelle serait compliqué puisqu’elle possède actuellement une volatilité élevée.

De surcroît, concernant la pensée qui explique qu’une ou plusieurs cryptomonnaies pourraient devenir une devise mondiale, je pense qu’il est déjà compliqué d’avoir une politique monétaire pour l’Union européenne, alors pour une cryptomonnaie que l’on considérerait comme devise mondiale, cela serait quasi impossible. 

J’ajouterai aussi qu’un investissement en Bitcoin ne correspond pas forcément à un investissement en blockchain. Dans certains cas, il est préférable d’acheter des entreprises qui développent ou utilisent la technologie que d’acheter le Bitcoin lui-même.

On peut aussi se demander si la cryptomonnaie peut être une valeur refuge, mais encore une fois, sa

volatilité ne lui permet pas d’être efficace dans ce rôle et en comparaison avec des valeurs refuges classiques comme l’or, les cryptomonnaies sont trop volatiles.

  1. Pour conclure cette interview, en prenant en compte le contexte macro-économique actuel, comment voyez-vous évoluer le monde de l’investissement en 2021 ? Quels seront les principaux secteurs « gagnants/perdants » cette année ?

Selon moi, la reprise économique n’est pas encore certaine et même si les marchés restent dépendants de la santé des entreprises et de l’économie, ils sont surtout influencés actuellement par tout ce qui se rapporte au vaccin, mais aussi aux politiques budgétaires et monétaires accommodantes comme le plan de relance à 1,9 trillion de dollars du président américain Biden qui a soutenu le marché́ US il y a quelques semaines. 

Ce qui est aussi intéressant dans ce contexte ce sont les marchés émergents, comme la Chine et sa gestion de la crise qui ont permis une normalisation de la pandémie plus rapide que chez nous, européennes, entraînant une stabilité́ et une croissance plus rapide qu’en Europe. Par ailleurs, les marchés émergents ont aussi un potentiel de croissance économique plus élevée comme les économies développées.

À mon sens, ce serait intéressant d’investir dans des produits durables, car les entreprises qui utilisent les facteurs ESG (Critères environnementaux, sociaux et de gouvernance) sont mieux préparées pour le futur pour lequel la durabilité est indispensable. En plus ces entreprises gèrent mieux tous les risques en général et surtout de durabilité. Finalement, la demande pour des produits et services durables est en pleine croissance. 

Enfin, bien qu’investir dans le secteur technologique reste toujours intéressant grâce aux gains de productivités possibles et aux tendances des consommateurs en ce sens (achats en ligne…), il faut toujours garder la valorisation à l’œil, car la demande pour ces titres est déjà à l’état actuel relativement élevé.

Des corrections sont donc toujours possibles dans ce secteur considéré comme « Growth », comme on a aussi pu le constater récemment avec le changement du style « Growth » plutôt vers un style « Value ».

(NDLR : Cette interview a été réalisée dans le respect des mesures sanitaires mises en place au moment de l’enregistrement. )

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