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Une vie, Bernard Madoff

par Timur Kazkondu

As-tu quelques minutes pour connaître l’un des escrocs les plus célèbres de Wall Street, celui qui avait la technique la plus sophistiquée jamais élaborée à ce jour, l’américain Bernard Madoff ?

Il y a des noms qui entrent dans l’Histoire pour différentes raisons. Que ce soit pour la création d’un empire comme Napoléon, une invention qui changera le quotidien de nombreux citoyens comme Gutenberg, une entreprise qui révolutionnera le monde comme Bill Gates ou une découverte qui sauvera des millions d’êtres humains comme Pasteur. 

À leur opposé, certains noms sont restés dans la mémoire collective pour des raisons bien douloureuses. Leurs auteurs, parfois convaincus d’agir pour « le bien de tous », ont laissé des traces profondes sur leur entourage. 

Parmi eux se trouve un homme qui causera la faillite de nombreuses familles, le financier Bernard Madoff

La création du mythe

Bernard Lawrence Madoff est né le 29 avril 1938 dans le Queens aux États-Unis. Avant de croiser le chemin de la finance, il commença comme installateur de systèmes d’arrosage puis comme maître nageur sur Long Island. Voyant son frère Ralph travailler comme agent de change, Bernard se lança en tant que courtier de petites valeurs mobilières (penny stocks). Il fonda par la suite sa société, la Bernard L. Madoff Investment securities LLC. 

Ce que l’on oublie de Madoff c’est qu’il était également un visionnaire. Il a très rapidement compris que l’informatique serait incontournable dans les transactions financières et constituerait un atout majeur pour quiconque s’y intéresserait. De ce fait, il contribua à l’essor du NASDAQ, indice qui reprend les entreprises technologiques les plus importantes des États-Unis. C’est à cette période que le natif du Queens se construisit un réseau de personnes appartenant à la haute finance. La confiance qu’il suscita chez ses pairs lui permit d’accéder à un poste d’exception, président du NASDAQ en 1990

Adulé de toutes parts, reconnu comme un financier hors pair, donnant de nombreuses conférences sur ses techniques de management, Bernard Madoff était à l’apogée de sa carrière. Et pourtant, dans l’ombre une escroquerie d’une ampleur gigantesque tournait un plein régime. Un danger connu sous le nom de « pyramide de Ponzi ».

Qu’est-ce qu’une pyramide de Ponzi ?

(Extrait de notre article dédié)

« Le fraudeur, au sommet de la pyramide, sollicite un premier investisseur pour une affaire. Pour éveiller sa curiosité, il lui promet un rendement important en peu de temps (ex. doubler la mise). L’investisseur décide alors de verser 1000 $, en espérant recevoir 2000 $ dans un an. Le fraudeur, s’il veut respecter son engagement, doit trouver 1000 $ d’ici douze mois. Puisqu’il ne les réinjecte pas (ou très peu) en bourse, il incite d’autres personnes à rejoindre sa pyramide.

L’argent récolté par les derniers sert à rembourser les intérêts des premiers, et ainsi de suite. Dès lors, on se retrouve dans un système où la croissance est exponentielle, ce qui sera l’une des causes de son effondrement. 

Ce système ne s’arrête que lorsqu’un grand nombre de personnes souhaite, en même temps, sortir du fonds. Les premiers chanceux seront remboursés et les derniers constateront qu’il ne leur reste plus rien. Une autre raison peut être le manque de personne à recruter. Puisque de nouvelles arrivées sont nécessaires pour maintenir la pyramide en place, il arrive un moment où le nombre requis dépasse la totalité des habitants sur notre planète ».

Le fonds d’investissement de Madoff reposait sur ce même principe. Les clients recevaient des taux d’intérêt qu’aucun autre Hedge fund ne pouvait prétendre. Peu importe les performances de la bourse, la Madoff Investment securities affichait des résultats impressionnants

Pour tenir sur la durée, le financier devait sans cesse trouver de nouveaux capitaux. De confession juive, Madoff démarcha d’abord d’autres membres de sa communauté résidant à Palm Beach (lors de parties de golf ou de dîners mondains). Par la suite, ce sont des célébrités qui se sont manifestées suivies d’entreprises et d’institutions financières. La technique de Bernie fut de refuser systématiquement les propositions, jugées « trop faibles », ce qui créera chez les potentiels clients une frustration de ne pas faire partie de l’élite. 

Un maître nageur qui coula ses clients

Si cette pyramide a pu tenir autant de temps, c’est parce qu’elle était gérée aussi sérieusement qu’un « vrai » fonds de gestion. Durant des années, les clients recevaient de faux rapports reprenant l’ensemble des transactions effectuées par la société. Personne ne se questionnait sur une probable supercherie sauf quelques traders et journalistes qui mirent en garde le gendarme américain de la bourse, la SEC, en vain.  

En 2008, la crise financière des subprimes créa chez de nombreux clients le besoin de récupérer leurs capitaux, mais Madoff ne pouvait répondre à une telle demande. Pour cause, la plupart des sommes reçues servaient à payer les intérêts des placements, d’autres à rembourser les premiers demandeurs, le restant à l’usage personnel de Madoff. Au total, le préjudice s’élèverait à 65 milliards de dollars

Voyant l’étau se serrer dangereusement, Bernard avoua à ses fils l’arnaque. Il fut arrêté par le FBI et plaida coupable en 2009. La sentence fut donnée à titre d’exemple, 150 années d’emprisonnement. En prison, Madoff était à la fois protégé et menacé par ses codétenus. Certains journalistes rapportaient qu’il avait le monopole sur le chocolat suisse et devait porter un gilet pare-balle lors de ses promenades. 

Source : Kathy Willens/AP/SIPA

Conclusion 

Madoff est décédé le 14 avril 2021 dans sa prison en Caroline du Nord. Il restera dans l’histoire comme un homme dont le succès fut construit sur une série de mensonges et pour qui l’enrichissement personnel passe par l’appauvrissement de ses proches. Sa famille fut traquée pour les clients, à tel point que son fils Mark se suicida et que son épouse se résigna à vendre tous ses biens. Aujourd’hui, très peu de choses restent du fonds Madoff, beaucoup n’ont pu récupérer leur argent. La vie de cet homme nous rappelle qu’une bulle, aussi grosse soit-elle, finit toujours par exploser. 

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