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Entretien exclusif avec Karine Lalieux, ministre des Pensions et de la lutte contre la pauvreté à Bruxelles

par Naqi Hamza

Dans cet entretien exclusif, Karine Lalieux, ministre des Pensions, de l’Intégration sociale, en charge des personnes en situation de handicap, de la lutte contre la pauvreté et de Beliris à Bruxelles, nous dévoile les réformes majeures qu’elle a mises en place pour améliorer la vie des citoyens belges. Elle aborde des sujets cruciaux tels que la revalorisation des pensions, les mesures pour lutter contre la pauvreté, et les initiatives pour renforcer l’emploi.

Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ? Quel est votre parcours professionnel et comment êtes-vous devenue ministre des Pensions et de l’Intégration sociale ?

Je suis Karine Lalieux, ministre des Pensions, de l’Intégration sociale, en charge des personnes en situation de handicap, de la lutte contre la pauvreté et de Beliris. J’ai étudié la sociologie et suis criminologue de formation.

J’ai commencé ma carrière à l’Université Libre de Bruxelles (ULB) en tant que chercheuse assistante, puis chargée de cours. Engagée en politique à l’ULB, je militais chez le groupe socialiste et, progressivement, j’ai été proposée comme candidate par le parti.

En mai 2000, grâce à l’initiative d’Elio Di Rupo d’équilibrer la représentation des femmes et des hommes sur les listes, je suis devenue députée fédérale. En 2007, j’ai été élue échevine à la Ville de Bruxelles, en charge de l’informatique, de la propreté, de la culture et présidente du CPAS. En octobre 2020, Paul Magnette m’a appelée pour devenir ministre alors que j’étais présidente du CPAS de Bruxelles.

Quelles sont les principales réformes que vous avez mises en œuvre ou que vous comptez mettre en œuvre dans le domaine des pensions ?

  • Revalorisation des pensions : Nous avons augmenté la pension minimum à 1641 euros par mois, affirmant que nos aînés méritent une vie digne. En quatre ans, toutes les pensions minimums ont augmenté de 30%, représentant une augmentation de 350 euros nets par mois pour un pensionné isolé avec une carrière complète. Plus d’un million de personnes touchent une pension minimum, dont 60% de femmes. Nous voulons des réformes positives pour les travailleurs d’aujourd’hui et les futurs pensionnés, sans augmenter l’âge de la pension de manière punitive.
  • Réintroduction du bonus pension : En réponse à la droite qui proposait un malus pension, nous avons introduit un bonus. Les personnes qui, à l’âge de la pension, choisissent de continuer à travailler peuvent recevoir un montant net en versement unique pouvant atteindre 22.400 euros.
  • Pensions pour les femmes : Nous travaillons à réduire l’écart de 20% entre les pensions des hommes et des femmes, en tenant compte des carrières souvent irrégulières des femmes. Les femmes sont souvent pénalisées par des interruptions de carrière dues à des raisons personnelles, ce qui impacte leurs pensions.
  • Indépendants : Nous avons supprimé le coefficient de correction injuste pour les indépendants, de sorte qu’une année de travail indépendant équivaut désormais à une année de salarié. Cela permet aux indépendants de bénéficier des mêmes droits à la pension que les salariés.

À l’horizon 2070, la réforme des pensions permet de réduire de 0,2% du PIB le coût du vieillissement. Donc nous ne maîtrisons pas seulement ce coût, nous le diminuons ! Il est donc tout à fait possible d’allier le bien-être de nos pensionnés et des finances saines. C’est le choix que j’ai fait. D’autres, à droite, auraient opté pour réduire le pouvoir d’achat de nos aînés. Chacun sa manière de faire de la politique.

Comment évaluez-vous l’impact de la crise sanitaire sur l’économie belge et sur le pouvoir d’achat des pensionnés ?

La crise sanitaire a creusé notre déficit, mais nous avons soutenu l’économie via le droit au chômage économique, le droit passerelle et des mesures spécifiques pour l’HoReCa.

Selon l’OCDE, la Belgique a bien résisté en termes de croissance et de pouvoir d’achat. Nous avons élargi le tarif social, réduit la TVA sur le gaz et l’électricité à 6%, et renforcé les liens sociaux pour les personnes âgées. Le taux de croissance de la Belgique a même dépassé celui de l’UE, avec un taux de chômage historiquement bas. En outre, nous avons préservé le pouvoir d’achat des citoyens en augmentant les pensions et en soutenant les travailleurs via l’enveloppe bien-être.

Quelles sont les mesures que vous avez prises ou que vous envisagez de prendre pour lutter contre la pauvreté, notamment à Bruxelles ?

Nous avons augmenté le revenu d’intégration sociale de 30%, soit 329 euros de plus pour un isolé, et l’allocation de remplacement de revenus pour les personnes en situation de handicap a augmenté de 32%, soit 362 euros de plus pour une personne isolée. Nous avons lancé un plan transversal de lutte contre la pauvreté et fait voter une loi imposant aux futurs gouvernements de faire de même.

À Bruxelles, nous nous concentrons sur l’emploi de qualité, la revalorisation du salaire minimum à 2800 euros brut par mois (17 euros brut/heure, et 2400 euros nets par mois en tenant compte de l’augmentation du bonus à l’emploi) et l’accompagnement des chômeurs et des femmes au CPAS.

Grâce à Pierre-Yves Dermagne, nous avons déjà augmenté le salaire minimum de 400 euros nets par mois sous cette législature, alors que le salaire minimum n’avait plus été revalorisé depuis 2008 (hors indexation). Nous voulons aussi un Actiris plus performant, centré sur les jeunes et les chômeurs de longue durée. Nous mettons en place des mesures pour accompagner les personnes vers l’emploi, tout en sanctionnant celles qui refusent de s’engager dans cette démarche.

Comment conciliez-vous les objectifs de solidarité sociale et de soutenabilité budgétaire dans votre politique ?

Notre réforme des pensions maîtrise les coûts et ne les augmente pas à l’horizon 2070. Nous finançons nos programmes par de nouvelles recettes sur le capital, évitant de couper dans les dépenses publiques essentielles.

Par exemple, nous prévoyons une taxe sur les plus-values et l’augmentation de la taxe sur les comptes-titres pour les plus riches. Nous évaluons également les aides à l’emploi pour les réorienter selon les besoins spécifiques de notre tissu économique, différent de celui de la Flandre, en soutenant la Wallonie et Bruxelles.

Quelle est votre vision de l’avenir du système de pension belge, face aux défis du vieillissement de la population, de la transition écologique et de la digitalisation ?

Nous devons soutenir nos aînés, augmenter le taux de remplacement (différence entre le dernier revenu et la pension), et généraliser le second pilier des pensions. Il est crucial de développer les services de soins et les habitats intergénérationnels adaptés.

La transition numérique doit inclure des mesures contre la fracture numérique, avec 30 millions d’euros du plan de relance européen dédiés à cet enjeu. La transition écologique ne doit pas être punitive, mais doit soutenir les initiatives d’isolation des logements et les projets collectifs de quartier.

En parallèle, il est essentiel de préserver et d’étendre l’indexation automatique à tous les travailleurs, un acquis socialiste quasi unique au monde, mis en place par le ministre socialiste Joseph Wauters en 1921.

Quel est votre avis sur la proposition de créer un revenu universel de base ?

Je suis contre. Un revenu universel de base profiterait surtout aux riches et réduirait les droits sociaux comme le chômage et les soins de santé. Il est préférable de cibler les politiques de soutien pour ceux qui en ont vraiment besoin. Les politiques ciblées permettent une meilleure allocation des ressources disponibles et garantissent une aide efficace pour ceux qui en ont le plus besoin.

Comment comptez-vous renforcer la participation et l’intégration des personnes issues de l’immigration dans la société belge, notamment sur le marché du travail ?

Nous luttons contre les discriminations par des contrôles et des mesures de sensibilisation. Nous devons améliorer le taux d’emploi des personnes en situation de handicap, le plus faible d’Europe, en mettant en place des conditions favorables pour leur intégration. Cela inclut des stages, des échanges et des mesures d’accompagnement pour surmonter les préjugés et les obstacles.

Offrir un accompagnement individualisé et plus rapide dès le premier jour d’inscription au chômage est également essentiel pour éviter les délais d’attente de plusieurs mois, qui font perdre du temps précieux pour la remise à l’emploi.

Quels sont les principaux enjeux et opportunités que vous identifiez pour le développement économique et social de Bruxelles, en tant que capitale de l’Europe et de la Belgique ?

Nous devons améliorer l’emploi des Bruxellois, en particulier les jeunes. Nous soutenons la création d’entreprises et la formation des jeunes, avec un accent sur les startups et les femmes entrepreneuses. Le travail est la clé pour le développement économique.

Nous devons créer un climat positif pour l’investissement et accompagner les entrepreneurs dans leurs démarches. Cela inclut la réduction des délais pour les permis d’urbanisme et l’intensification des outils de soutien pour le développement des entreprises. Nous avançons aussi vers une réduction collective du temps de travail, avec embauche compensatoire et transmission des savoirs, en commençant par les plus de 50 ans (35 heures de travail) et pour les plus de 55 ans et les métiers pénibles (32 heures de travail).

Quels sont les projets ou les initiatives que vous soutenez ou que vous souhaitez mettre en place pour promouvoir l’éducation financière et la culture économique des citoyens ?

Nous soutenons l’éducation financière via la FSMA, la lutte contre le surendettement, et les initiatives de prévention des dépendances. Nous promouvons des cours citoyens couvrant la sécurité

sociale, l’éducation financière, numérique, et la prévention des addictions. Ces initiatives visent à renforcer la résilience économique des citoyens et à les protéger contre les risques financiers.

Un dernier message pour nos lecteurs ?

Je suis déterminée à remplir mes mandats et à réaliser notre programme socialiste. Nous nous battons pour plus d’égalité, une société juste au niveau social et fiscal. Votez utile pour un parti qui prendra ses responsabilités pour les cinq prochaines années. Ensemble, nous pouvons construire une société plus solidaire et équitable.

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