En finance, lorsqu’une entreprise ou un pays souhaite obtenir de nouveaux capitaux, elle peut passer par le marché de la dette, en émettant des obligations (voir l’article dédié sur Parlons Finance).
De nos jours, les taux d’intérêt sont très faibles, ce qui réduit considérablement le gain à réaliser sur les obligations (l’obligation d’État allemand à 10 ans offre un taux de –0,63 % !). Les investisseurs à la recherche d’un meilleur rendement n’ont pas d’autres choix que de se tourner vers des émetteurs plus risqués, des maturités plus longues ou le marché des actions.
Ainsi, en juin 2020, l’Autriche a émis une « century bond » à 100 ans avec un coupon de 0,88 %. Certains d’entre vous pourraient se demander s’il existe une durée encore plus longue que celle-ci. La réponse est oui, il est théoriquement possible de s’endetter pour « l’éternité » avec une obligation perpétuelle.
– Obligation « perpétuelle » ?
Une obligation perpétuelle, ou perpetual bond, est un instrument financier de dette qui n’a pas d’échéance. Autrement dit, le capital de départ n’est pas remboursé, seuls les intérêts sont payés.
Quel est l’intérêt pour l’émetteur ? Il s’agit ici d’une méthode d’endettement « douce » puisque l’entreprise ou le pays qui propose cette obligation ne devra pas rembourser le nominal.
L’intérêt pour l’acheteur est avant tout son souhait d’obtenir une rente régulière. Le taux élevé du coupon ajoute, quant à lui, un autre élément intéressant.
Beaucoup de ces obligations comportent un droit de rachat, appelé « call ». Cette option donne à l’émetteur le droit de racheter l’obligation à un prix et une période déterminée (et donc rembourser anticipativement le détenteur). Puisque le principal atout d’une obligation perpétuelle est la réception des coupons, cette option constitue un possible manque à gagner pour l’acheteur.
– Quels sont les autres points d’attention ?
Ce type de produit, bien qu’il fasse partie de la catégorie des obligations, présente des risques intrinsèques élevés. Voici quelques-uns :
• Risque de coupon : l’émetteur peut, en cas de difficultés financières, décider de diminuer le montant du coupon versé ou tout simplement le supprimer.
• Risque de crédit : l’émetteur peut faire faillite avant le remboursement de sa dette. Dans ce cas, les détenteurs d’obligations perpétuelles sont remboursés après les autres créanciers ou détenteurs d’obligations « classiques ».
• Risque de taux : la hausse des taux d’intérêt a un impact négatif sur le prix des obligations existantes. Plus la durée de l’obligation est longue, plus ce risque est important.
• L’inflation : une augmentation de l’inflation diminue la marge bénéficiaire des coupons versés.
• Autres risques : certaines entreprises émettent des obligations perpétuelles avec une date implicite de remboursement. Toutefois, cette date peut être modifiée ou repoussée maintes fois.
– Comment déterminer le prix d’une obligation perpétuelle ?
Pour cela, nous devons calculer la Valeur Actuelle d’un investissement, autrement dit, la valeur aujourd’hui de l’ensemble des coupons que l’acheteur recevra à l’avenir.
Formule : VA = C/r
C = coupons
r = taux d’intérêt
Ainsi, pour une obligation perpétuelle propose un taux d’intérêt de 1 %, vous devrez apporter un capital de départ de 100 000 € si vous souhaitez obtenir 1000 € de coupon.
—> 100 000 € = 1000 €/0,01
En 2001, l’entreprise biopharmaceutique belge UCB a émis pour 300 millions d’euros d’obligation perpétuelle, offrant un coupon annuel de 7,5 %. Cette opération avait pour but de financier les précédentes dettes. L’obligation a été remboursée en 2016.
Les perpetuals bonds font partie du paysage financier depuis bien longtemps. Nous en retrouvons des traces écrites datant du XXIIe siècle en France et en Espagne. Si pour beaucoup d’émetteurs ce produit est une manière de se financer à un plus faible coût, d’autres mesurent tout le sens du mot « perpétuel ». Ainsi, l’un des records de longévité appartient à la Hoogheemraadschap Lekdijk Bovendams qui verse toujours des coupons d’une obligation émise… en 1648 !
Par Tim KAZKONDU